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racines

Avant que nature meure, campons sous la pluie !

Updated: May 21, 2021


« En face de la formidable nature qui l’étreignait, il ne méditait point sur la fragilité de l’être humain, sur la place qui lui a été assignée dans l’univers, sur les limites extrêmes du chaud et du froid, qui lui permettent d’y vivre ou l’y condamnent à mourir, et, s’il succombe, sur l’immortalité de son âme. Cinquante degrés sous zéro ne l’impressionnaient pas plus, en eux-mêmes, que quatre-vingts degrés (Fahrenheit). Tout ce qui l’intéressait dans un pareil froid, c’est qu’il en était incommodé. La morsure du gel faisait mal, et il importait de s’en préserver en fourrant ses mains dans d’épaisses mitaines, en rabattant sur ses oreilles les pattes de sa casquette, en protégeant ses jambes et ses pieds dans des bas et dans des mocassins épais. Cinquante degrés sous zéro, c’était un fait, et rien de plus ».


Jack London, Construire un feu, 1908



Lundi 17 mai 2021,


Comment penser notre rapport à la nature (ou aux natures) depuis les zones urbaines et depuis les campagnes ?

Comment le penser collectivement ?


La nécessité de transformer notre rapport à la nature est devenu un impératif devant l’extinction des espèces et la recrudescence des catastrophes naturelles liées au réchauffement climatique. Si la notion de capitalocène commence à supplanter celle d’anthropocène dans une perspective critique d’histoire sociale, il devient impossible d’aborder les causes de la transition géologique sans prendre en compte la dynamique interne du capitalisme et les processus de production contemporains. Processus toujours plus éloignés des véritables besoins élémentaires humains.

Un certain nombre d’ouvrages nous permet de penser ce rapport à la nature. À nous de nous les réapproprier et d’en partager les contenus.

Certains ouvrages esquissent des pistes pratiques pour tenter de transformer ce rapport. Entre théories et pratiques, à nous d’expérimenter et de rendre visible les débouchés de nos expérimentations.



"Et c'est une tentative de montrer que la compréhension de l’humanité en tant que force naturelle nous permet d’établir de nouvelles connections entre la nature humaine, le pouvoir, la production mondiale et la toile de la vie. Dans une époque de transformations étroitement liées les unes aux autres dans l’énergie, le climat, la nourriture et l’agriculture, les marchés du travail, l’urbanisation, la financiarisation et l’extraction de ressources, il est impératif de saisir les connexions intimes qui gouvernent les flux de pouvoir, de capital et d’énergie dans la trame de l’accumulation du capital – et ce faisant, il s’agit également de jeter une lumière nouvelle sur les limites de cette trame même. »

Jason W. Moore (2021, « Introduction », Le capitalisme dans la toile de la vie. Écologie et accumulation du capital, p23)



Du côté de la librairie, samedi dernier, un groupe de jeunes filles venues camper dans la forêt a profité du lieu afin de partager des repas à l’abri des intempéries.

Sans nécessairement faire l’éloge de vieilles pratiques scoutes, outre le fait de s’organiser collectivement pour assurer le bon déroulement de la vie quotidienne, la vie au plein air permet de ressentir simplement des éléments naturels que la vie moderne évince trop souvent.

Camper permet d’éprouver notre rapport à la terre et de relativiser notre rapport au confort. Se balader à travers bois aiguise notre sens de l’espace et nos perspectives visuels. Anticiper la veillée et protéger le bois de la pluie pour se retrouver collectivement autour d’un feu de camp permet de ressentir l’un des éléments qui a quasiment disparu de nos vies contemporaines. Tenter d’apercevoir des rapaces nocturnes à la faveur de l’obscurité permet d’éprouver un contact avec la nuit que les villes ne permettent plus.

La liste est encore longue de tout ce qui se joue lors d’un campement et, pour ma part, je pense que c’est une excellente manière ludique de transformer progressivement notre rapport à la nature.


Bons campements et bons feux de joie !



Pistes de lectures :


· Collectif, Faire partie du monde. Réflexions écoféministes, éditions du remue-ménage, 2017

· Andreas Malm, L’anthropocène contre l’histoire. Le réchauffement climatique à l’ère du capital, éditions La fabrique, 2017

· Antoine Costa, La nature comme marchandise, éditions du monde à l’envers, 2018

· Liaisons, recherche partisane transocéanique, « Fragments sur les campements », Au Nom du peuple, éditons divergences, 2018

· Floréal M. Romero, Agir ici et maintenant. Penser l’écologie sociale de Murray Bookchin, éditions du commun, 2019

· Jason W. Moore, Le capitalisme dans la toile de la vie. Écologie et accumulation du capital, éditions de l’Asymétrie, 2020

· Jean Dorst, « Par le fer et par le feu : la destruction des terres par l’homme », Avant que nature meure, Delachaux et Niestlé, 1965

· Cormac McCarthy, La route, 2006

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